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Photo du rédacteurClaire Avelyn

Soleils d'après l'orage

Au-dessus, c’est la nuit sans les étoiles. Si on penche un peu la tête et qu’on se concentre pour regarder, on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas de la nuit noire, mais des ténèbres d’un orage qui noircissent le ciel à grands bouillons aux reflets de plomb. Ils sont nombreux, ils empêchent la lumière de traverser leur épaisse couverture. 
La terre est sèche et zébrée de lézardes qui courent jusqu’aux recoins de l’univers. Elle est comme une peau qui pèle et se soulève. Elle forme des crevasses si larges qu’on redoute de tomber et de se perdre à jamais dans les galeries du fond de la terre. On se dit, c’est peut-être à ça que ressemble la fin d’un monde. 
A un endroit toutes les crevasses se rencontrent, et au croisement de leurs chemins hésitants, une pâquerette ! 
De celles qui pousse en toute saison, qu’on pique dans les cheveux, qu’on tresse pour faire des bracelets, qu’on noue à nos colliers, qui savent tout des cœurs et des bonheurs : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. Soleil tendre de nos enfances, bien apprêtée, avec sa corolle blanche qui lui fait comme la fraise des princes de jadis, tout autour du cou. Il t’aime, elle t’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout ? 
La pâquerette n’a pas besoin de voir le soleil, elle sait qu’il est là, caché derrière les nuages. Elle sait aussi qu’elle a besoin de ces nuages pour gagner en vigueur et continuer de vivre. Elle tend son propre soleil au ciel sombre et sans peur. Elle tend une feuille qui s’allonge démesurément et attrape un pétale, puis un autre, puis encore un autre, qu’elle jette ensuite. Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. 
Pâquerette, sol qui craquèle, nuages noirs
Pâquerette, carte du Dixit
L’orage éclatera, la terre le boira et bientôt pousseront de nouveaux soleils qui l’un après l’autre tendront une feuille qu’ils enrouleront autour d’un pétale, puis d’un autre, puis encore d’un autre en chantant : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. 
Seuls disparaissent les vêtements trop lourds et vieillis : les fraises blanches d’un autre temps qui devaient être bien encombrantes, quand même. Et les soleils resteront.



Texte écrit au cours de l'atelier des mots conduit par Marie Remande.

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