Les hommes sont des parures. Pour Emma Godziella, une femme n'a pas besoin de bijoux. Elle n'a besoin que d'un homme à son bras, et cela lui suffit. Des hommes, elle en a essayé de toutes sortes, des bruns, des blonds, des roux, du dandy à bretelles au chef d'entreprise en costume. Elle a essayé le petit enseignant en gilet gris et lunettes rectangulaires, le hippy en sarouels et cheveux longs, l'intellectuel tout en boucles et en tatouages, jusqu'à l'immense bodybuildé chauve en marcel et short serré. Les hommes sont comme le costume du comédien qui suggère et modifie en profondeur son être, la manière qu'elle a de parler, de se tenir droite ou avachie, de regarder les gens, les choses, sa manière de sentir, même, de recevoir ce qui lui arrive. Emma Godziella n'a que faire de ses tenues. Des tenues, elle en a des centaines, mais elle ne les porte que pour s'accorder avec la pièce maîtresse – l'homme – qui donnerait une direction à son être du moment. Aussi n'y a-t-il pas qu'une seule Emma Godziella au monde. Il y en a des milliers, autant qu'il y a d'hommes qui hantent les rues et les carrefours. Des milliers de possibles, des milliers d'Emma, des milliers d'hommes, et c'est avec une sorte d'ivresse qu'Emma change de partenaire comme on alterne les bijoux, comme on se vêtit d'un nouveau costume, comme on pose un masque pour en essayer un autre. Ainsi Emma tourne-t-elle autour de la véritable Emma, par cercles concentriques et vagues, et la véritable Emma se déplace quelque part, au centre, comme un point aveugle, sans que personne ne l'ait jamais vue.
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